Tapons sur Wheel of Time

Histoire de varier un peu des posts techniques, et parce que cette saga m'agace un peu plus à chaque page, voici mon opinion totalement non objective sur la série de romans Wheel of Time. Je n'en suis qu'à 80% du tome 2, mais cela m'a déjà largement suffi.

[SPOILER WARNING]__Je vais tirer à boulets rouges sur un bon nombre d'éléments des deux premiers tomes, ceci sera donc un nid à spoilers ;) [/SPOILER WARNING]__

Petit point sur l'univers avant tout (qui a lui le mérite d'être très intéressant). Je vous épargne les détails théologiques, mais dans ce monde existe un Pouvoir, divisé en deux : yin et yang, homme et femme. Suite aux actions maléfiques du Dark One (sic), la moitié mâle du Pouvoir a été corrompue et rend inévitablement fou tout homme maniant le pouvoir. De tels hommes sont donc généralement pourchassés par certaines femmes maniant le Pouvoir. Lorsque commence notre histoire, le Dark One est bien évidemment en train de s'échapper de sa prison, et les espoirs du monde résident en un homme, le Dragon, qui naît et renaît depuis le début des temps pour lutter contre le Mal et sauver le monde. Sauf que comme c'est un homme, il finit nécessairement par devenir fou et faire quelques légers dégâts (séismes, raz-de-marée, tout ça). Donc le monde en est à croire qu'il est au service du Mal.

Résultat : le monde craint et attend la prochaine naissance du Dragon.

Or donc. Commençons par notre héros, Rand al'Thor (le "al" est une particule généralement attribuée aux nobles, ça alors !). Évidemment il est grand, décrit comme séduisant, relativement malin - nous y reviendrons - et féru de lecture, et manie l'épée très correctement dès le premier contact. Loin de vivre dans une famille ordinaire, il vit seul avec son père, dans une ferme à part du village, blahblahblah. Bon, pour l'originalité de ce côté-là, c'est un peu raté. Ah oui, évidemment c'est le premier personnage qu'on rencontre, et le Dragon ? C'est lui. Désolée pour le suspense. Enfin, ça pourrait passer. S'il n'y avait que ça.

Enchaînons sur les personnages féminins, qui peuvent être rassemblés en quatre catégories :

  • les "matrones" : femmes au foyer, aubergistes et autres, ce sont des femmes fortes mais tout entières dévouées à la bonne tenue de leur demeure.
  • les jeunes filles en fleur : même si elles n'ont croisé Rand qu'un instant elles sont évidemment déjà folles de lui. Nous y reviendrons.
  • les Aes Sedai : il s'agit de femmes capables de manier le Pouvoir, évidemment traitées en sorcières par la grande majorité de l'univers.
  • les "Spearwives" Aiel : combattantes redoutables, entièrement dédiées au combat, ayant renié toute autre vie, etc.

Suis-je la seule à voir un léger problème ici ? Un univers où une femme n'a pour choix que d'être une matrone ou de détenir des pouvoirs lui valant d'être crainte et haïe me semble un brin caricatural tout de même. "Mais les Aes Sedai sont des femmes fortes enfin !" pourrait dire le lecteur naïf. Non. Que toute femme puissante inspire la crainte et la haine n'est certainement pas une vision saine de la "femme forte". Et si cet argument ne suffit pas, ajoutons que les Aes Sedai peuvent appartenir à différents ordres. Parmi les plus marquants ? Le Brun se consacre entièrement au savoir et oublie le monde extérieur. Le Rouge se consacre à pourchasser et neutraliser les hommes maniant le Pouvoir. Le Vert apprécie grandement le contact des hommes, au point qu'une Aes Sedai "verte" sera souvent entourée de plusieurs d'entre eux (sauf si elle est mariée, BIEN ENTENDU).

Sérieusement ? Aucune option là-dedans pour une vie de couple saine sans être rigide ? Rien d'autre que l'indifférence, la haine, la polygamie ou le mariage ? Monsieur l'auteur, tout cela est particulièrement décevant.

Mais j'avais promis de revenir sur les jeunes filles. Les plus importantes sont :

  • Egwene, amie d'enfance de Rand (qui a bien entendu toujours pensé qu'elle l'épouserait … passe encore). Il s'avère au final qu'elle a des prédispositions exceptionnelles (naturellement) pour être Aes Sedai, mais elle reste toujours très attachée à Rand et fait même des rêves prémonitoires à son sujet, que c'est beau.
  • Min, jeune fille garçonne croisée à la première ville que nos héros traversent, capable de "voir" des choses sur les gens sous forme de symboles qu'elle-même ne sait interpréter. Personnage intéressant bien qu'un brin cliché … et qui a bien entendu craqué sur Rand au premier regard.
  • Elayne, héritière du trône d'Andor. Elle aussi n'a croisé Rand qu'un instant alors qu'il avait dégringolé d'un mur mais l'a bien sûr soigné et a aussitôt senti son cœur vaciller.
  • Nynaeve est l'exception : ancienne Wisdom du village natal de Rand, elle a des prédispositions exceptionnelles pour être Aes Sedai (aucune de ce niveau pendant des siècles et là deux dans le même village ? Ah, ces coïncidences). Ayant été élevée à ce rang très jeune, elle materne tous les gens du village et se sent donc plus responsable de Rand et d'Egwene qu'autre chose. Ça ne l'empêche pas d'être éperdument amoureuse du guerrier qui les accompagne, je vous rassure.

Bien évidemment l'une des premières informations sur chacun de ces personnages est "elle est très jolie". Le reste se passe de commentaires.

Venons-en à notre abruti de héros. Oui abruti, je le dis et le répète ! Car au milieu du tome 2, il se retrouve dans un autre monde suite à l'utilisation involontaire de son pouvoir. Et tombe sur une jeune femme...

  • d'environ son âge
  • décrite comme sublime
  • à la peau d'albâtre
  • particulièrement savante
  • énigmatique
  • qui lui parle aussitôt comme s'ils étaient promis l'un à l'autre
  • ...

Bon, en soi c'est déjà pire que grotesque. Mais le pire du pire ? Rand lui fait confiance. Le plus naturellement du monde. Je ne dis pas que ce personnage est nécessairement une traîtresse ou autre : juste qu'à la place de Rand, je me méfierais comme la peste d'une coïncidence du genre. Et s'il est hypnotisé par sa beauté, cela aurait dû ressortir de façon bien plus marquée dans le texte que l'excitation d'un ado face à une belle femme.

Dois-je continuer avec les femmes Ogier qui contraignent leur hommes à se marier car sinon ils n'y penseraient même pas, avec l'armée venue de l'autre côté de l'Océan qui réduit les Aes Sedai en esclavage et les enchaîne comme des bêtes, avec les conversations d'Egwene, Min et Elayne se chamaillant innocemment sur laquelle épousera Rand ? Je ne pense pas.

Wheel of Time part d'un univers intéressant et d'idées originales. Mais le style particulièrement pauvre, le héros au mieux plat et la représentation particulièrement caricaturale et triste du genre féminin m’écœurent. Il ne s'agit pas, comme souvent, de cantonner les femmes dans des rôles secondaires : il s'agit bien plus sournoisement - et probablement involontairement, c'est là le pire - de ne leur donner un rôle qu'en fonction des hommes, et de les limiter au choix entre l'absence de pouvoir et la haine de tous. Alors non, je ne lirai pas le tome 3 ni les suivants, même si comme toutes les histoires, j'aimerais en connaître la fin. Question de principes.

EDIT : Et bien ça y est, fini. Et devinez quoi ? Cette dame sublime EST maléfique. Quelle surprise. J'aimerais ajouter au passage que ces livres ne sont pas "mauvais" : juste très moyens à mon sens, et j'ai mieux à faire de mon temps. L'histoire reste prenante bien que très cliché, et bien que le style soit pauvre, on a vu pire. Mais tout de même, le statut de référence de cette saga m'intrigue.