À propos de (mon) sexisme

C'est que ça fait un sacré moment sans article. Essayons donc de me remettre à écrire, sur un sujet toujours riche ... Excuses d'avance, absolument tous les links sont en anglais.

Trigger warning potentiel pour le vocabulaire lié au sexisme et à la violence qui va avec, mais rien de graphique ou trop descriptif.

Il y a eu pas mal d'articles il y a un moment (comme celui-ci, ou celui-ci), de la part de femmes réalisant qu'elles étaient sexistes par le passé. Regarder les vidéos plus anciennes de Feminist Frequency, lire des anecdotes sur le site du projet Everyday sexism, m'a fait réfléchir pas mal sur le sujet. Cet article sur Tomb Raider comme étant libérateur a également beaucoup aidé. Mais c'est celui-ci, sur l'importance de séparer les apparences de la personnalité qui m'a vraiment réveillée. Et j'ai réalisé que, moi aussi, j'étais sexiste. Expliquons.

Mes amies les plus proches ont toujours été d'autres filles, mais jamais très féminines ou "girly". Une partie de moi était convaincue que tenter d'être jolie, se maquiller, se raser les jambes et autres étaient des concessions aux conventions sociales, et synonyme de bêtise et de faiblesse. Donc je n'allais jamais faire tout ça, n'est-ce pas, puisque j'étais tellement plus maligne et meilleure et blablabla ? J'ai progressé lentement, devenant plus tolérante, mais n'ai réalisé que récemment à quel point c'était foireux comme attitude.

Pendant mes études supérieures (trois années d'informatique), j'étais une des seuls filles de ma promo, et pas spécialement mauvaise. Encore une fois, une partie de moi adorait se sentir aussi spéciale, et j'étais par défaut très froide envers les autres filles. Quelque chose dans ma tête disait qu'elles n'avaient pas leur place là, vu qu'elles n'étaient pas aussi compétentes. Ou un truc du genre. Et j'étais particulièrement désagréable avec elles si elles se montraient en jupe, par exemple pour les faux entretiens d'embauche que nous avions eu en DUT. Car c'est un signe de faiblesse, n'est-ce pas ?

Moi, "one of the guys" ? Il y avait un peu de ça.

Et si c'était le pire. Grâce à notre cher société et l'image des hommes qu'elle nous donne (Internet est particulièrement coupable), j'ai fini par déterrer une erreur de raisonnement purement et simplement dangereuse chez moi. Je n'ai pas spécialement souvenir d'avoir été victime de harcèlement sexuel. Quelques remarques agaçantes de ci de là, rien de traumatisant. Et personne ne m'a jamais accostée, hormis le traditionnel gamin crétin, avec cinq ans de moins, dans le métro et son "Eh mam'zelle t'es troooooop belle", probablement adressé à toute représentante du sexe féminin qu'il croise. Vous me direz, tant mieux, c'est bien pour moi. Sauf que quelque chose en moi marmonne "Jamais harcelée ? Oh bah ça veut dire que t'es moche alors, vu comment sont les mecs."

Quand j'ai réalisé qu'il y avait CA dans ma tête, j'ai probablement viré au blanc très très pâle. C'est tellement faux et tellement caduc, à tellement de niveaux. Déjà, comme mentionné, prendre soin de mon apparence n'était pas ma grande passion, donc même dans ce cadre de raisonnement foireux ça ne collait pas. Mais le plus important ? J'ai internalisé le concept qu'il devrait être normal, flatteur que les gens ne montrent aucun respect. Puis quand on y pense, c'est un peu insultant pour ces messieurs. Donc, petite liste d'affirmations pour moi-même et quiconque lisant mes élucubrations :

Non, dire "Oh, j'te baiserai / violerai bien" n'est PAS un compliment. C'est au mieux pas très pertinent sauf dans des contextes un peu spéciaux, et autrement c'est juste flippant et menaçant.

Non, essayer d'être jolie n'est pas "chercher les emmerdes" ou n'importe quoi du même tonneau. Le slut-shaming et le victim-blaming, c'est le mal. J'ai changé de style récemment, et réalisé que avoir une meilleure apparence est simplement confortable. Attirer les gens n'est pas pertinent. Applaudissements aux collègues qui m'ont félicitée d'avoir l'air "awesome" et aucun autre adjectif, au demeurant !

(A ce sujet, très important : en théorie n'importe qui devrait pouvoir faire n'importe quoi sans être menacé(e). La victime n'est jamais coupable. Malheureusement nous ne vivons pas dans un monde parfait, donc faire un minimum attention ne peut pas faire de mal. Mais si quoi que ce soit arrive ? Ce n'est pas votre faute. Point final. Comme très bien dit sur la violence domestique ici , la violence est un choix fait par le coupable, et un très mauvais.)

Et non, une fille qui se préoccupe de son apparence n'est pas nécessairement superficielle ou stupide. L'apparence n'a rien à voir avec ça.

Non, la bonne façon de créer un personnage féminin fort n'est PAS de lui enlever absolument tout sex-appeal et de lui réduire la poitrine. C'est beaucoup plus compliqué que ça, et pourtant si simple. Ecrivez un bon personnage, et arrêtez de considérer un mâle comme choix par défaut.

Bon, maintenant, est-ce que quelqu'un a une machine à remonter le temps ? J'ai une leçon à aller donner à la moi de 12 ans. Ou de 20, d'ailleurs.